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Les combats au front

Tranchée belge sur le front de l'Yser (collection du Musée royal de l'Armée)

L’ouverture des écluses de la Patte d’oie à Nieuport, les inondations de la plaine de l’Yser et la stabilisation du front fin octobre-début novembre 1914 voient l’installation de la première ligne de défense belge dans le talus de la ligne de chemin de fer Nieuport-Dixmude, désaffectée aujourd’hui et le long de laquelle on rencontre  encore de nombreux vestiges (abris, bunkers, postes de mitrailleuses). C’est à Dixmude que l’on trouve le lieu le plus symbolique :  le « Boyau de la mort », une position belge particulièrement exposée qui faisait face à la tête de pont allemande sur la rive gauche de l’Yser.

Pour les soldats belge, le premier hiver aux tranchées fut l’une des phases les plus pénibles du conflit. On croyait que la guerre ne durerait que quelques mois. De ce fait, rien n’était prévu pour lutter contre le froid et les conditions de vie misérables dans cette région particulièrement insalubre. Une vaccination générale prévient de justesse une épidémie de typhus. Les Allemands, confrontés aux mêmes difficultés, interrompent momentanément leurs offensives. Le sursis accordé est mis à profit par l’armée belge pour se réorganiser et se reposer.

 Les premiers mois de l’année 1915 sont propices à cette réorganisation. L’armée se renforce de 34.000 nouvelles recrues, formées dans les camps de Normandie. Ce sont essentiellement des volontaires provenant du territoire non-occupé ou de l’étranger. Au total, plus de 60.000 hommes seront appelés sous les drapeaux durant toute la durée du conflit. A ceux-ci s’ajoutent les 32.00 volontaires de guerre qui ne cessent d’affluer de Belgique occupée ou de l’étranger pour rejoindre la troupe. Autre effet de cette réorganisation, l’uniforme bleu, trop voyant, est remplacé par un uniforme kaki, beaucoup plus adapté à l’univers des tranchées. En 1916, les soldats reçoivent en plus un casque et abandonnent enfin le képi, qui n’apportait aucune protection aux fantassins terrés dans les tranchées. Par ailleurs, quatre hôpitaux de campagne sont installés à 10 ou 15 km du front. Le plus connu est l’hôpital de la Croix-Rouge organisé par le docteur Depage à l’hôtel “ Océan ” de La Panne. C’est en fréquentant périodiquement, et non quotidiennement comme la propagande l’a longtemps prétendu, cet hôpital que la reine Elisabeth gargnera son surnom de « Reine-Infirmière ». Grande mélomane, l’épouse du roi Albert appuie également la création de l’Orchestre symphonique de l’Armée de campagne en 1917. Enfin, le bien-être spirituel des soldats préoccupe l’état-major. Quasi inopérente en 1914, l’aumônerie militaire belge s’organise véritablement durant le conflit et participe à l’encadrement des troupes au combat. 

Grand artisan de cette réorganisation en profondeur de l’armée, le roi reste au front durant toute la durée de la guerre. Le souverain n’a pas suivi ses ministres à Sainte-Adresse et refuse de se laisser dicter sa conduite par le gouvernement. Albert décide seul de la tenue des opérations et ne consulte presque jamais les ministres. Contrairement au roi héroïsé, demeuré sur le territoire national, le gouvernement du Havre et le demi-million de Belges exilés seront méprisés par la population belge restée en pays occupé. Par rapport aux états-majors alliés, le roi adopte le même mode de fonctionnement qu’avec son gouvernement. Soucieux de préserver ses soldats, Albert refuse de participer aux offensives alliées, inutiles à ses yeux. Cela permet à l’armée belge d’échapper aux hécatombes de la Somme et de Verdun, par exemple. De ce fait, le taux de mortalité dans l’armée belge est l’un des plus faibles. Tout au long du conflit, le roi persistera d’ailleurs à ne considérer les Anglais et les Français que comme ses garants. Pour preuve, Albert aura certains contacts discrets avec les Allemands en vue d’une éventuelle paix négociée. Mais devant les exigences allemandes et les promesses faites aux Alliés, ces contacts restent sans suite.

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