Au château de Loppem, le roi reçoit plusieurs émissaires venus de Bruxelles qui l’informe de la situation et de l’état d’esprit qui règnent à Bruxelles. Les émissaires bruxellois sont porteurs, notamment, d’un memoradum rédigé par Paul-Émile Janson le 11 novembre, ainsi que d’une note datée du 13 novembre et signée par Émile Francqui, le marquis de Villalobar et le comte de Mérode.
Le gouvernement Cooreman ayant remis sa démission le 13 novembre 1918, le roi Albert avait toute latitude pour former un nouveau gouvernement mieux adapté aux circonstances, notamment en appelant des personnalités demeurées en pays occupé. Tout le monde s’accordait sur la nécessité d’un gouvernement d’union nationale. Installé au château de Loppem, le roi reçut une série d’hommes politiques issus des trois grands partis. Les uns avaient un passé politique, d’autres non. Parmi les nouveaux venus, on note les catholiques Henri Jaspar et Léon Delacroix, alors que le vieux leader conservateur Charles Woeste ne fut pas sollicité.
Il semble que ce soit Emile Francqui qui ait attiré le regard du souverain sur la personne de Léon Delacroix, catholique modéré qui n’avait jamais fait de politique. Il fut choisi comme formateur du nouveau gouvernement. Delacroix accepta par devoir, quittant du même coup le cabinet qu’il avait bâti pendant plus de vingt ans. D’accord avec le roi, il proposa le Suffrage Universel masculin à 21 ans (ce qui fut une réussite malgré les réticences de l’aile conservatrice du parti catholique), ainsi que la création d’une université flamande à Gand, sans supprimer l’université française (ce qui se révélera un échec).
Le 15 novembre, Delacroix eut une conversation avec le libéral Paul Hymans. Il lui offrait le portefeuille des Affaires étrangères, tandis que Hymans lui conseilla de garder Renkin au gouvernement, de confier les Affaires économiques à Jaspar et de prendre le titre de Premier ministre qui prêtait moins à confusion que celui de chef du Cabinet. Le 21 novembre, le nouveau gouvernement était constitué de six catholiques, trois libéraux et trois socialistes. Léon Delacroix fut donc le premier homme, de l’histoire de Belgique, à porter le titre de Premier ministre.